De plus en plus de caméras ou d’enregistreurs numériques utilisent des supports de stockage dématérialisés, tels des cartes mémoire flash ou des disques durs. Par exemple Red One, Arri Alexa, DSLR Canon, Sony EX, Panasonic P2, AJA Kipro, Nano Flash…
Dans tous les cas, ces supports sont utilisés pour du stockage temporaire, et les données sont ensuite copiées sur des supports d’archivage, le plus souvent des disques durs.
Que cette opération soit réalisée sur le terrain, ou en post-production, et devant la trop grande fragilité des supports informatiques, il est primordial de sécuriser les données. Un simple disque dur n’offre aucune sécurité. S’il plante, c’est toutes les informations qu’il contient qui sont perdues.
La meilleure alternative est d’utiliser la technologie RAID. Désormais fiable, efficace et abordable, elle permet d’accroître grandement la sécurité du stockage ainsi que les performances de transfert.
• Principe de fonctionnement
RAID (Redundant Arrays of Independant Disks, que l’on peut traduire par « chaîne redondante de disques indépendants ») ne désigne pas un type de matériel. Il n’existe pas de « disque dur RAID ».
Il s’agit d’une technologie qui permet de relier plusieurs éléments de stockage tels que des disques durs, et d’y répartir les données avec deux objectifs principaux :
- Améliorer les débits d’écriture et de lecture
- Sécuriser les données en les enregistrant de façon redondante.
A partir de plusieurs disques, cette technologie créé un ensemble qui sera reconnu par l’ordinateur comme un seul volume de stockage. Elle peut fonctionner de manière logicielle ou matérielle.
RAID logiciel : plusieurs disques (internes ou externes) sont reliés à un même ordinateur et un logiciel, parfois inclus dans le système d’exploitation, s’occupe de créer le volume RAID.
RAID matériel : plusieurs disques sont regroupés dans un boîtier (ou un rack), tous connectés à une carte électronique (contrôleur) qui crée le volume RAID.
Le RAID matériel, majoritairement présent chez les loueurs, est plus simple à l’emploi, car il nécessite peu de connaissances spécifiques. Ce type de matériel se présente généralement sous la forme de boîtier ou de tour, doté de :
- Plusieurs disques durs reliés à une carte contrôleur RAID interne
- Une ou plusieurs interface(s) pour la relier à l’ordinateur (USB, eSata, Firewire, …)
- Une alimentation électrique secteur dédiée
Il existe de nombreux modes RAID, mais les boîtiers les plus courants offrent le choix des modes RAID 0, RAID 1 et RAID 5, et même RAID 5 + Spare.
• RAID 0 (Stripping)
Ce mode gère plusieurs disques durs en entrelaçant la lecture ou l’écriture des données. Celles-ci sont réparties sur tous les disques en même temps, et chaque fichier est découpé en plusieurs morceaux, enregistrés sur des disques différents. Tous les disques n’ont donc pas le même contenu.
Les débits sont alors accélérés en proportion du nombre de disques durs.
Exemple de chaîne RAID 0 composée de quatre disques durs.
Chaque élément est découpé en morceaux, et reparti sur chacun des disques.
Capacité
La capacité totale d’un système RAID 0 est égale à la capacité du disque le plus petit multipliée par le nombre de disques durs présents. Il est donc recommandé d’utiliser des disques qui soient de même taille.
Dans l’exemple ci-dessus, si le « disk 1 » fait 1 To, et les autres 2 To, la capacité totale de cet ensemble sera de 1 To x 4 = 4 To. Si on a quatre disques de 2 To, la capacité sera de 8 To.
Avantage
Ce mode est le plus rapide. Si, dans l’absolu, il supporte un grand nombre de disques durs, un module « de terrain » qui, par exemple, en comporte deux, permet théoriquement de diviser par deux le temps de copie.
Inconvénient
Le problème majeur de ce mode est la non-redondance des informations. Si un disque tombe en panne dans une chaîne RAID 0 et dans la mesure où les fichiers seront incomplets, l’intégralité des informations sera perdue.
Ce mode est donc à proscrire en tournage.
• RAID 1 (Mirror)
Ce mode gère plusieurs disques durs de telle façon que tous les disques contiennent toujours les mêmes données. Comme le nom « mirror » l’indique, les disques montés en RAID 1 sont des copies conformes les uns des autres. A tout moment, le contenu de chacun des disques est rigoureusement le même.
Exemple de chaîne RAID 1 à deux disques.
Ils contiennent les mêmes données.
Capacité
La capacité d’un tel système est égale à celle du plus petit disque. Il est donc fortement conseillé d’utiliser des disques de même taille.
Dans l’exemple ci-dessus, si le premier disque fait 1 To, et le deuxième 2 To, la capacité totale sera alors de 1 To. Si ce sont deux disques de 2 To, nous aurons 2 To de capacité totale.
Avantage
On maximise la sécurisation des informations.
Généralement, les systèmes RAID 1 de terrain comportent deux disques, et réalisent donc, en une seule opération, une copie identique sur deux supports distincts, sans manipulation supplémentaire.
Si une panne survient sur l’un des deux disques, il suffit de le remplacer, et le système reconstruit les données de lui même en les recopiant à partir de l’autre.
C’est un des modes préconisé en tournage.
Inconvénient
Si cette méthode est la plus sécurisée, elle n’améliore malheureusement pas les performances de débit, contrairement au RAID 0.
• RAID 5 / RAID 5+ Spare
Cette technologie combine les avantages du mode « stripping » (distribution des informations sur plusieurs supports, et donc amélioration des débits) et le mode « mirror » (redondance des données), sans pour autant être une simple combinaison des deux.
Comme les autres, ce mode permet l’utilisation d’un grand nombre de disques, mais en nécessite au minimum trois. Plus il y a de disques, meilleurs seront les débits de données.
Les données sont stockées alternativement sur plusieurs disques, selon le même principe que le RAID 0, avec en plus une information dite de « parité ». Il s’agit de la parité du mot numérique, c’est à dire le caractère pair ou impair de la suite de 0 et de 1 qui le compose.
Ainsi, si l’un des disques tombe en panne, il suffit de le remplacer. Le système reconstruit alors de lui même toutes les données manquantes, à partir de celles existantes sur les autres disques et de l’information de parité.
La reconstitution des données nécessite néanmoins plus de temps qu’une simple copie comme en RAID 1, car il y a en plus un calcul de reconstruction. Ce calcul peut prendre beaucoup de temps (une dizaine d’heures pour un disque dur d’1 To), mais les données restent malgré tout accessibles pendant ce travail.
Il existe un mode RAID 5 + spare, dans lequel le disque de rechange est déjà intégré dans la chaîne RAID. En cas de panne, la reconstruction se fait de manière automatique, les données restant accessibles pendant cette opération.
En général, les solutions de terrain s’articulent autour de quatre disques durs, paramétrables en mode RAID 5 (4 disques utiles) ou RAID 5 + spare (3 disques utiles + un de rechange).
Exemples d’une chaîne RAID 5 et RAID 5 + spare.
Dans les deux cas, les données et la parité sont répartis sur les disques utiles.
Capacité
La capacité effective d’une chaîne RAID 5 correspond à la capacité du plus petit disque dur, multiplié par le nombre total de disque, moins un (ou moins deux, dans une chaîne RAID 5 + spare). Il est donc, comme toujours, fortement conseillé d’utiliser des disques de capacité identique.
Dans l’exemple de gauche (RAID 5), si tous les disques font 2 To, il y aura 2 To x (4-1) = 6 To
Dans l’exemple de droite (RAID 5+spare), si tous les disques font 2 To, il y aura 2 To x (4-2) = 4 To
Avantage
Ce mode mêle les avantages de la sécurité des données et des performances de débits (amélioration des performances surtout en lecture). C’est sans doute le compromis le plus intéressant pour une utilisation en tournage, tout en conservant une capacité de stockage raisonnable.
Inconvénient
Les boîtiers RAID 5 sont souvent un peu plus lourds que leurs homologues RAID 0 ou 1, tout simplement parce qu’ils embarquent plus d’éléments de stockage. En conséquence, ils sont aussi plus onéreux.
Les boitiers de terrains RAID 5 se composent la plupart du temps de 4 disques, mais il existe également des racks beaucoup plus imposants, qui sont d’autant plus performants. Ce genre de « station » (photo ci-dessous) peut-être utilisée dans certaines configurations lourdes, en studio par exemple.
• Autres modes RAID
Il existe beaucoup d’autres modes RAID, basés sur des principes identiques, mais qui sont beaucoup moins répandus.
JBOD (Just a Box Of Disks, Just A Bunch Of Drives) : Terme confus désignant deux notions distinctes :
- Concaténation des volumes avec addition des capacités de chacun pour ne former qu’un volume, mais sans répartition des informations, contrairement au mode RAID 0. Les disques sont remplis de façon linéaire, les uns après les autres.
- Mise à disposition de chacun des disques comme volume séparé. Chaque disque apparait individuellement sur l’ordinateur.
Ne présente pas d’intérêt de sécurisation.
RAID 3 : Similaire au RAID 5, avec une organisation légèrement différente (un disque est dédié à la parité).
RAID 4 : Très semblable au RAID 3, avec une nuance dans l’organisation des données. Gestion séparée des disques multiples. Performances équivalentes.
RAID 6 : similaire au RAID 5, mais offrant une reconstruction plus rapide en cas de perte. Nécessite plus de disques.
RAID 0+1 : Combinaison des modes 0 et 1. Ce mode crée un miroir d’éléments eux-mêmes en stripping.
RAID 10 (ou RAID 1+0) : Combinaison des deux modes. Données en stripping sur deux modules d’éléments en miroir.
• Notes
Évidemment, la multiplication des disques engendrés par l’un ou l’autre de ces mode RAID représente un surcoût, mais cependant modéré par rapport à l’énorme gain de performance et de sécurité qu’ils offrent.
Dans tous les cas, il est fortement conseillé d’utiliser des disques durs de capacité égale, et si possible de performances égales (vitesses de rotation, cache), car chacun de ces modes permettra l’utilisation réelle de la capacité du plus petit disque. L’espace restant sur les autres s’en trouverait inutilisé.
Les performances en terme de débit sont étroitement liées au type de connection utilisée (Firewire, eSATA…) entre le volume RAID et l’ordinateur, et de façon plus générale à la qualité du matériel. Ainsi, tous les ensembles basés sur le même mode RAID n’offriront pas forcément les mêmes performances, celles-ci étant liées à la qualité matérielle du contrôleur, de l’interface et des disques durs utilisés. Il y a donc des différences non négligeables entre les différents fabricants de matériel.
USB, Firewire, eSata… et bientôt USB 3 ou Thunderbolt ? Chacune de ces interfaces offre des débits de données différents. Il convient de rendre cohérente l’intégralité de la chaîne. Disposer, par exemple, d’un ensemble RAID couplé à une connection USB n’a que peu de sens car le gain de performance « côté disque » en terme de débit de données sera grandement atténué par la faible bande passante de l’USB.
Pour mémoire, rappel des débits théoriques de différentes interfaces :
Firewire 400 : 400 Mb/s
USB 2 : 480 Mb/s
Firewire 800 : 800 Mb/s
eSata : 3 Gb/s
USB 3 : 5 Gb/s
Thunderbolt : 10 Gb/s
De façon pratique, pour des temps de sauvegardes raisonnables et répondre aux exigences d’efficacité que nous connaissons sur les plateaux, il est recommandé d’utiliser au minimum le Firewire 800.
• Systèmes RAID disponibles chez les loueurs
4Big Quadra (LaCie) // TSF
Disponible en 4 x 1To ou 4 x 2To
Paramétrable en RAID 5 ou RAID 5 + spare.
Capacité utile :
RAID 5 : 3 To
RAID 5 + spare : 2 To
Disque de remplacement fourni pour palier à une panne éventuelle.
Interfaces : Firewire 800, Firewire 400, USB 2, eSATA.
G-Safe (G-technology) // TSF
Tour RAID 1 disponible en 2 x 1To ou 2 x 2To
Capacité utile : 1To ou 2To
Disque de remplacement fourni.
Interfaces : Firewire 800, USB 2, eSATA.
Tour RAID 1 // PANAVISION
Disponible en 2 x 1 To.
Capacité utile : 1 To.
Disque de remplacement fourni.
Interfaces : Firewire 800, Firewire 400, USB 2, eSATA.
Solution conseillée pour des projets de courte durée (publicité, clips, …).
Tour RAID 5 // PANAVISION
Equipée de 4 x 2 To
Capacité utile : 6 To
Disque de remplacement fourni.
Interfaces : USB 2, eSATA, Ethernet (peu recommandé).
Solution conseillée dans le cadre de projets de longue durée.
Tour Datatale (Owen Digital) // TRANSPACAM
Tour polyvalente, paramétrable en mode RAID 0, RAID 1, RAID 5, RAID 5 + spare, et même RAID 0+1. En utilisation RAID 1, seuls deux des quatre disques présents dans la tour sont utilisés. En RAID 0, on choisi si on préfère fonctionner avec deux ou quatre disques.
Capacité totale : 4 x 1,5 To = 6 To
Capacité utile :
RAID 0 : 3 To ou 6 To
RAID 1 : 1,5 T0
RAID 5 : 4 To
RAID 5 + spare : 3 To
RAID 0+1 : 3 To
Disque de remplacement fourni.
Interfaces : Firewire 800, Firewire 400, USB 2, eSATA.
(écrit en collaboration avec Matthieu Normand)