La seconde vie de Vivian Maier
Gouvernante, elle prenait des photos dans les rues de New-York et Chicago. Mais elle n’a connu la gloire que deux ans après sa mort. Récit.
C’est la nouvelle star de la photo mondiale, mais elle ne le saura pas. L’américaine Vivian Maier est morte en 2009, à 83 ans, seule et sans le sou. Il aura fallu attendre 2011 pour que la première exposition de ses œuvres soit organisée à New-York, et deux ans de plus pour que la France la découvre.
Pour en arriver là, il a fallu une histoire et une suite de hasards à peine croyables. Tout commence en 2007. Un jeune historien, John Maloof, est à la recherche de vielles photos de Chicago. Il apprend que des cartons remplis de 100 000 négatifs sont mis en vente à la salle des enchères du coin : ils appartiennent à une vieille dame endettée, qui a quitté son appartement. Il pense y trouver son bonheur, emporte un lot pour 400 dollars, réalise que c’est un trésor et part acheter les autres cartons de la vente. Il les aura tous, sauf un, le seul fond qui concurrence désormais le sien, celui de Jeffrey Goldstein.
Maloof détient donc 90% de photos prises par Vivian Maier et il s’est fixé pour but de la faire connaitre. Il avait immédiatement tenté de la rencontrer. Elle est restée introuvable, jusqu’à ce qu’il découvre, via Google, son avis de décès en 2009. Ce sont les enfants que cette ancienne nounou avait élevés qui ont publié l’annonce et vont lui parler d’elle : ils étaient les seuls sur la terre a avoir gardé un lien avec l’artiste.
Fille d’un Autrichien et d’une Française, elle passe son enfance en Europe. Quand elle s’installe aux États-Unis, elle a déjà le goût de la photo. Pour exercer sa passion, elle choisit le métier de gouvernante, qui lui laisse de longues heures de liberté pour se balader dans les rues de New-York puis de Chicago, et y prendre des clichés à la volée, très souvent improvisés, mais parfois aussi très travaillés. Ses autoportraits sont fascinants : elle s’y met en scène, mais très souvent cachée. Elle sait que son travail est de qualité, mais tout le mystère Maier est là : elle ne montrera jamais ses photos à ses amis, elle ne les fera pas souvent développer, faute d’argent. Elle va entasser ses trésors, dans ses chambres successives. Jusqu’à sa ruine.
John Maloof n’a pas mis longtemps à la mettre en lumière. Il a séduit le grand galeriste new-yorkais Horace Greenberg. Logique : ses photos sont dans l’air du temps, celui de la nostalgie des années 1950 et 1960. Elles plaisent à la fois pour de bonnes raisons – le cadrage, la composition – et de mauvaises – leur aspect vintage et l’histoire romanesque de la photographe. Le succès critique et commercial a donc été immédiat. On la compare à Weegee ou Diane Arbus.
Un livre de 128 pages reprend une grande partie de son travail – « Viviane Maier, Street photographer » paru fin 2011 chez Powerhouse Books.
Au printemps sortira en France, « Finding Vivian Maier » un documentaire sur sa vie qui a fait sensation au dernier festival de Toronto et qui n’est pas sans rappeler le succès du musicien Rodriguez « Sugar Man » découvert sur ses vieux jours. Ce qui, comme pour ce dernier, ne peut évidemment nous empêcher de nous demander s’il n’y a un funeste mercantilisme derrière tout ça. A chacun de juger.
D’après l’article de Claude Soula – Le Nouvel Observateur