Il y a quelques jours, je me suis rendu chez Panavison Alga Techno faire les rendus suite à mon dernier tournage et vérifier que je n’avais rien oublié comme matos perso. L’équipe du magasin m’a renvoyé, goguenarde, à l’étage, sur la mezzanine où s’entasse pêle-mêle tout le matériel que les assistants laissent en dépôt« entre deux tournages ».
C’est un capharnaüm indescriptible de roulantes, meubles vidéo, cantines, glacières, caisses en tout genre, cartons éventrés en équilibre précaire, sacs de face, rouleaux de gélatine et de cinéfoil qui jonchent cet espace librement mis à disposition par la société Panavision.
Pour ma part, je trouve cette situation choquante. Nous abusons d’un service rendu par Alga. Comment se fait-il que nous soyons passé d’une solution de stockage provisoire à un foutoir permanent dont plus aucun assistant concerné ne semble se soucier. Paul Blanchon me dit que plus de la moitié de ce matériel ne sort plus, qu’il est en quelque sorte à l’abandon. A mon avis, rassembler sa bijoute doit relever de techniques de terrassement archéologique. Il n’est pas étonnant dès lors que certains assistants déplorent les dégâts infligés à leur matériel personnel, quand ce ne sont pas simplement des vols.
Il y a là pour l’association que nous sommes matière à réflexion. D’un point de vue légal, au delà d’un an et un jour, « la possession vaut titre ». En clair, tout ce qui s’entasse là-haut depuis plus d’un an appartient à Alga. Et libre à la société de s’en débarrasser. Cela fait sourire Xavier Gateau qui ne souhaite évidemment pas en arriver à cette extrémité. Il est au contraire très attaché à ce service dont il a fixé les règles élémentaires (annexes 2 ici et 3 ici). Mais Panavision étant le seul loueur à proposer cette solution, les bijoutes reviennent systématiquement ici, alors qu’il ne s’agit pas toujours d’un tournage maison et que l’assistant ne sait pas quand et où il va travailler de nouveau. Par ailleurs, on ne peut que s’inquiéter de savoir qu’il y a sans doute dans ce débarras des matières volatiles et inflammables (alcool, acétone, colle, spray…) susceptibles de déclencher un incendie. On peut toujours se dire que ça n’arrivera pas. Jusqu’ici, tout va bien…
Certes, nous sommes les clients de Panavision puisque mandatés par la production. Mais il en va de l’esprit de collaboration que l’assistant se doit d’entretenir avec le loueur. Nous, dont l’exigence est de garantir le bon fonctionnement du matériel et la qualité technique du film tout au long du tournage, nous tournerions radicalement le dos à nos réflexes professionnels au retour du matériel chez ce loueur. Or un travail bien fait est un travail bien fini et les rendus de matériel sont aussi le moment de ranger correctement sa bijoute, de rapatrier chez soi ce qui peut l’être et de « laisser l’endroit aussi propre qu’il était en rentrant, merci ».
Je m’interroge également sur le sens de notre solidarité professionnelle lorsque tout ce matériel semble avoir été soulevé par une tornade.
* Il s’agit de stagiaires régie ou de machinos qui ont abandonné le matos là où ils le pouvaient. Ce n’est pas leur travail. Ils rendent service.
* Les assistants n’entreposent pas correctement leur bijoute, découragés par le bazar qui règne…
* Pire encore, il y en aurait parmi nous, sans aucune considération pour le matériel qui ne leur appartient pas, qui balanceraient où c’est possible tout ce qui se trouve en travers de leur chemin. Cela doit rassurer tout-à-fait l’équipe Panavision qui nous confie son matériel.
Il n’y a pas de solution individuelle pour améliorer la situation. Il faudrait un effort commun et continu de tous, une discipline de chacun, pour que cette zone de stockage provisoire soit propre, durablement exploitable et sans danger. Et par la vertu de l’exemple, ce lieu commun le resterait. Un grand nettoyage de printemps s’impose.