Profitons ici de cette rubrique pour rappeler quelques évidences (du latin « vidéo » qui veut dire « voir » !) sur l’usage de la balance automatique des noirs sur une caméra vidéo (ABB en V.O.).
Sur une caméra vidéo, comme sur tout appareil électromagnétique, la température (je parle ici de chaleur, pas de couleur) a un incidence sur la qualité du signal. Les électrons s’agiteront plus ou moins selon qu’il fait plus chaud ou plus froid (ce que nous avons déjà tous pu constater sur l’état de nos batteries). « L’Automatic Black Balance » consiste donc à indiquer à ma caméra que pour ce niveau d’agitation électronique, en l’absence de photons arrivant sur le ou les capteurs (le diaphragme de mon optique sur la position « close » par exemple), mon signal correspond à un noir, soit un niveau de 20mV sur mon oscilloscope pour un réglage standard.
Lecture de mon noir à 20 mV sur mon oscilloscope affichant le signal de luminance (« Y »)
Le même affichant le signal Rouge, Vert, Bleu
Sur mon vecteurscope, mon noir se traduit par un signal concentré au centre de l’image
Le signal amplifié 5x sur le vecteurscope, avec sa forme caractéristique pour une caméra étalonnée à 3200°K
Forme particulière d’un noir sur lequel est appliqué le 5600°K électronique généré par la caméra
La règle fondamentale pour faire des noirs à bon escient est donc de les faire à température. Ainsi, lorsque je prépare ma caméra, je la mets sous tension et j’attends, au moins vingt minutes, qu’elle monte à température avant de lancer cette procédure.
De même, en cours de tournage, si la caméra est amenée à subir des changements de température, je serai sans doute amené à refaire mes noirs. Tout comme, cas un peu particulier, lorsque je change de gain. Ce dernier correspondant à une amplification du signal fourni par mes capteurs (entraînant une augmentation électronique de leur sensibilité, et donc également du bruit vidéo), il est de bon ton de redéfinir ce qui équivaut à un noir pour ma caméra à ce moment.
Dans le cadre de caméra ne possédant qu’un seul capteur (GENESIS, D21, RED, …) sur lequel chaque pixel est affecté à une des trois couleurs primaires, la problématique est relativement simple. Des variations du niveau de noir se traduiront de manière globale : un noir plus ou moins clair ou foncé, plus ou moins décollé ou enterré.
Voici l’image qui nous servira de référence:
Pour ce qui est des caméras à trois capteurs (la plupart des caméras broadcast SONY, PANASONIC, …), où chacun de ces capteurs est affecté à la captation d’une des trois couleurs primaires, il faut bien entendu que le niveau de noir soit cohérent pour chaque capteur mais également les uns par rapport aux autres. Ainsi, sur ces caméras, un défaut dans la balance des noirs pourra se traduire (et c’est assez courant) par une dominante de couleur dans l’image, un des capteurs n’étant pas au même niveau que les autres. Voici un cas où l’utilisation du vecteurscope peut s’avérer fort utile. En effet, quand un doute apparaît sur la qualité colorimétrique de mon image, mon premier réflexe sera de fermer le diaphragme de mon optique pour visualiser le noir. Le centre de mon vecteurscope correspondant à l’absence de couleur (0% de saturation), un signal bien centré m’indique que ce noir est neutre colorimétriquement. Dans le cas contraire, une balance des noirs devrait me permettre de résoudre le problème.
Je n’ai parlé jusqu’à présent des capteurs que dans leur globalité, mais comme chacun le sait, ceux-ci sont composés de photosites, commodément appelés pixels. Or le pixel est périssable ! Si je suis amené à constater l’apparition d’un point fixe dans mon image durant le tournage, il y a fort à parier que nous venons d’assister au « décès » d’un pixel. Là aussi, l’utilisation de l’ABB permet d’indiquer à la caméra le pixel ne lui délivrant pas le signal normalisé. Ainsi, par interpolation, pourra-t-elle le faire « revivre » électroniquement (et éviter ce travail à la post-production !).
J’attire votre attention sur le fait que certains constructeurs préconisent de faire jusqu’à trois fois ses noirs dans le cas où une première fois n’aurait pas résolu le problème constaté, sans donner plus d’explications. Le fait est que dans le cas d’une caméra tri-CCD, nous pouvons supposer qu’au bout de trois fois nous avons fait le tour de chacun des capteurs par rapport aux deux autres.
Enfin je signale également le cas particulier de SONY chez qui nous pouvons trouver deux façons de faire les noirs. Soit, classiquement, en appuyant sur le switch de l’ABB, enclenchant la procédure courante; soit en maintenant ce switch appuyé. Cette deuxième possibilité activera une procédure plus longue mais plus complète (vérification de chaque capteur, les uns par rapport aux autres, passage à toutes les valeurs de gain, …). Si après cette dernière vous n’avez pas solutionné votre problème, il faudra vraiment chercher ailleurs !
Pour conclure, j’insisterais sur le fait que faire des noirs à propos, c’est les faire en fonction de la température à laquelle se trouve la caméra. Faire des noirs tous les matins ne me garantit pas forcément de bons noirs sur l’ensemble de la journée.Plus les caméras sont compactes (une 900-R par rapport à une 900), plus elles traitent d’informations (une 790 par rapport à une 750), plus ces caméras, qui sont aussi des ordinateurs, sont amenées à chauffer (les cadreurs qui s’y collent ont pu le constater !). Voilà pourquoi il devient intéressant de pouvoir interpréter ces noirs sur son oscilloscope (standard à 20mV) et sur son vecteurscope (signal centré), et de réagir le cas échéant. Vous n’avez désormais plus de raisons d’avoir peur du noir, au moins en vidéo.
Les exemples montrés dans cet article ont été effectués à partir d’une caméra Sony 790P en réglage standard (Gamma std 3, Master Black 0, Black Gamma off) et d’un oscilloscope/vecteurscope Leader LV 5750.
Par Cyril Lebre
Remerciements : Alga Techno Panavision pour le prêt du materiel