Lorsque l’on veut isoler un personnage dans un plan, quelles possibilités s’offrent à nous ?
On peut faire un plan large du personnage dans le décor. Ou bien encore, utiliser une faible profondeur de champ pour mieux le détacher de son envirronement.
Mais si maintenant, on souhaite l’isoler de manière « progressive » en cours de plan ?
Par le biais d’un zoom ou d’un travelling arrière, il nous sera possible de signifier dynamiquement son isolement. Mais qu’en est-il concernant la profondeur de champ ? Peut-on la faire varier en plein milieu d’une prise ?
Théoriquement, c’est possible. Il suffit de changer l’ouverture de l’objectif pendant que l’on tourne. Mais alors, il faudra compenser l’exposition pour qu’elle reste constante : soit en utilisant un « gain » progressif au moment de l’étalonnage afin de rattraper la variation de luminosité (peu satisfaisant surtout si on varie sur 3 ou 4 diaphs), soit en compensant directement à la prise de vue (via un shutter variable par exemple).
Avec certaines caméras 35mm, ce changement de profondeur était possible via un diaphragme motorisé couplé à un changement d’obturateur mécanique (par exemple le système Smart Shutter 2 de Panavision combiné avec leurs caméras). Bien utilisé en tant qu’élément de mise en scène, on voit assez vite les possibilités offertes. Mais, probablement de part sa complexité technique et aussi peut-être une méconnaissance de la mise en scène de cette technique, ce principe de flou « dynamique » n’a que très peu été exploité (on peut en voir un exemple dans le film Mr Nobody de Jaco Van Dormael où Jared Leto est au bord de sa piscine en gros plan et soudain le fond devient de plus en plus net au moment où quelqu’un essaie de lui parler).
C’est ici qu’intervient Cinefade (www.cinefade.com).
Cette société anglaise propose ses services et ses outils pour réaliser cet effet à vitesse constante lors de la prise de vue. En combinant 2 polarisants, dont 1 rotatif équipé d’un moteur synchronisé avec la bague de diaphragme, on peut changer l’ouverture de l’objectif, tout en compensant l’arrivée de lumière à l’avant de notre objectif grâce à l’effet « Vari ND » créé par nos deux polarisants. On peut donc avoir une profondeur de champs variable pendant le plan, tout en gardant la même luminosité à l’image et un son synchrone.
La configuration de Cinefade s’adapte sur n’importe quelle caméra. Le système fonctionne avec un Camin 3M spécifiquement modifié par Cinefade en collaboration avec C-Motion, une commande Cvolution, 2 moteurs (un pour l’iris et un pour le polaframe), 1 polarisant et 1 polaframe à molette crantée.
Si vous travaillez en Preston ou WCU4, ces commandes pourront toujours vous servir pour la mise au point. Cependant le diaph et le pola devront être pilotés par leur Camin C-Motion modifié.
Beaucoup de pare-soleil sont compatibles avec le Polaframe Schneider de Cinefade (ils préconisent les Arri MB18, LMB25 et LMB5). Il est possible d’utiliser ses propres Pola et Polaframe s’il sont de bonnes qualités (sans dominantes colorées) et équipés de mollette crantée pour le moteur, mais Cinefade ne garantira plus la constante en luminosité qui arrive au capteur (et les 6,5 diaphs d’amplitude possible avec le leur). Pour l’instant, l’équipement est disponible chez Arri Rental London à un prix dégressif qui commence à 700€ la journée environ, incluant un technicien pour le première mise en oeuvre.
Aujourd’hui, grâce aux dernières évolutions du matériel numérique, cet effet de profondeur de champ variable commence à se démocratiser.
En effet, les caméras FS5 et FS7 mark II de Sony intègrent à l’avant du capteur des densités neutres variables électroniques permettant de créer l’effet avec n’importe quel objectif à diaphragme motorisé reconnu par la monture de la caméra.
De même, la Société Aputure propose un adaptateur de monture intégrant un neutre variable électronique basé sur un procédé à cristaux liquides.
Cette profondeur « progressive » est-elle le nouveau « trans-trav » du cinéma ?
Peu de chance pour l’instant. Car elle nécessite une vraie écriture à la mise en scène, sinon elle ne sera qu’un gadget visuel. Il faut donc laisser à nos ami(e)s de la mise en scène le temps de la jauger et de l’apprivoiser.
En attendant, on imagine que cet effet sera certainement davantage testé dans des formats plus friands de ces innovations esthétiques, comme le clip et la publicité, où on le verrait facilement être appliqué aux fameux « packshots ».