C’est le 29 Novembre dernier que j’embarque en compagnie d’Antoine STRUYF (cadreur) à Roissy, direction la POLOGNE, pour me rendre à “Woodj”. “Woodj”, troisième ville du pays, plus connue chez nous sous le nom de Lodz, accueille une fois par an, et ce durant une semaine au début de l’hiver, le Festival International de l’Image, le festival Plus Camerimage destiné principalement à récompenser les Directeurs de la Photographie pour leur travail.
Festival Plus CAMERIMAGE : http://www.pluscamerimage.pl/
Antoine s’était déjà rendu à Lodz l’an dernier afin d’assister quelques DOP de l’AFC à la réalisation d’un Workshop intitulé “ Face in the Dark”. Il en était revenu conquis, et désireux de s’y rendre à nouveau l’année suivante.
Antoine et moi-même travaillons ensemble depuis plusieurs projets et c’est à plusieurs reprises, qu’il me raconte enthousiasmé le festival et ses à-côtés.
Pour reprendre ses propos parus dans la lettre n°183 de l’AFC : “ Quant au Festival Plus Camerimage, n’hésitez plus…, Foncez-y dès l’année prochaine ! C’est une manifestation qui permet de rencontrer, d’apprendre et d’échanger avec les plus illustres directeurs photo du monde entier. »
Article de Antoine Struyf, Camerimage 2008– Lettre n°183 de l’AFC
http://www.afcinema.com/Workshop-au-Festival-Camerimage-un.html
Je dirai que c’est la soif de curiosité, et je n’ai pas honte de le dire, l’envie sérieuse d’assister pour la première fois de ma vie à un festival d’envergure qui motivent mon souhait de me rendre moi aussi à Lodz.
Dès le premier jour de notre arrivée, la frénésie du festival prend le dessus. Après 2h de route à travers la campagne polonaise et une visite expresse à l’hôtel pour déposer nous bagages, nous voilà au Grand Théâtre et découvrons l’ampleur du programme du festival. Comprendre, déchiffrer et tirer à profit la programmation ne fût pas une mince affaire, puisqu’en parallèle de la compétition principale, c’est chaque jour que s’enchaînent et se suivent aux quatre coins de la ville plusieurs autres compétitions (films polonais, documentaires, vidéos clips, courts-métrages…) mais aussi des projections panoramas, des conférences, des workshops, et des masterclass… Pas facile d’organiser ses journées pour ne pas en perdre une miette.
À ne pas manquer au premier étage du Grand Théâtre, se tient un passionnant salon technique où exposent les différents partenaires du festival comme Panavision; mais sont aussi présent ARRI, Vantage, Sony, etc. Pour ma part, ce salon fut une vraie mine d’or d’informations et de découvertes. Des nouveautés, pour sûr, il y en avait. Je pense notamment à celles de chez Vantage : il y a le PSU 3, plus petit et plus compact que son prédécesseur, qui possède dorénavant des entrées HD SDI, ainsi qu’une alimentation sur batterie, et sur lequel il est possible de brancher son ipod ou iphone afin de récupérer des fichiers. Il y a aussi les nouvelles séries d’optiques Hawk Anamorphic permettant la prise de vue avec une anamorphose de x1.3 (Très pratique pour le Super 16, eh oui!!??). ARRI de son côté présentait ses trois nouvelles caméras digitales (vues dans la Focale d’Octobre 2009) et une nouvelle gamme d’accessoires plus légers destinée à l’accessoirisation des réflexes de prise de vue 7D, 5D Mark II, et autres. Quant au stand Panavision, on pouvait y découvrir en démonstration une config. de prise de vue 3D avec deux Genesis montées sur prisme avec prévisualisation relief immédiate sur monitoring. La rapidité d’exécution et les résultats sont saisissants.
C’est au passage des allées et venues dans le salon que nous croisons Dean CUNDEY ASC. Si on m’avait dit qu’un jour je me retrouverais dans la même pièce que le Directeurs de la Photographie de Retour vers le Futur, de Qui veut la peau de Roger Rabbit?, ou encore de The Thing, je n’y aurai pas cru. Des frissons me traversent. Je me sens comme un enfant. Dean CUNDEY n’était pas là cette année pour représenter un film, mais pour faire partie du Jury de la compétition principale. On ne peut pas tout avoir.
Ce soir-là, Terry GILLIAM (réal.) et Nicola PECORINI (DOP) sont là pour représenter The imaginarium of Doctor Parnassus. Le film est en compétition, et la projection est précédée d’une rencontre. Malheureusement pour nous, la petite salle de conférence sera prise d’assaut par les étudiants. En contrepartie, nous assistons tout de même à la projection pour laquelle sont invités à monter sur scène le directeur de la photographie et le réalisateur pour dire quelques mots à propos du film. Pour notre plaisir, Terry GILLIAM fidèle à lui-même fera preuve de sa fantaisie légendaire.
Un détail qu’Antoine avait omis de me raconter concerne la petite touche extravagante de l’un des présentateurs du festival. Ce dernier, pour qui le public d’habitués réserve à chaque entrée sur scène un chaleureux accueil, présente les projections habillé en cow-boy. Pour la petite histoire, il serait le seul chanteur de country anglophone existant en Pologne !!!
Une autre des particularités amusantes du festival concerne les cris, les hurlements et les applaudissements que l’on peut entendre à chaque passage du logo Plus Camerimage en amont des films projetés, et à chaque fois que le nom d’un chef opérateur apparaît dans un crédit de générique de film.
Lundi 30 novembre, le marathon commence. Premier film coup de poing de la journée : My flesh, my blood, long-métrage polonais en compétition. Nous sortons de la projection agréablement surpris par les qualités de ce cinéma (que je ne connaissais absolument pas) et sommes frappés par la maîtrise technique dont fait preuve le film.
Alertés sur toutes les bonnes surprises que peut nous réserver ce festival, nous poursuivons notre journée avec cette fois ci le point noir de notre séjour : le film Oxygene, long-métrage musical russe, sorte de bande démo clipée de 1h30, en compétition principale. Difficile de trouver les mots justes pour expliquer de quoi il en ressort. Cette oeuvre aurait peut-être mieux trouvé sa place dans une sélection orientée vers le LABO-EXPERIMENTALO-MUSICAL. Le film est un concept, une expérience visuelle intéressante mais surtout une curiosité forte désagréable.
Plus tard dans l’après midi, nous assistons à la projection des vidéo clips en compétitions. L’ensemble est assez hétérogène, se mélangent des grosses machines (comme Eminem) avec des artistes plus méconnus. Il y en a dix au total et la sélection est là aussi internationale. A retenir et à voir : les clips de Depeche Mode – « Wrong », de Filthy Dukes – “Messages”, et de Coldplay – “Strawberry swing”.
Une des rencontres à ne pas rater ce jour-là a lieu dans la Seminar Room du Grand Théâtre. La salle est extrêmement petite et les places sont chères. Fort de notre expérience de la veille avec Terry GILLIAM, nous réussissons à nous trouver deux chaises. En face de nous, une table avec un écriteau portant le nom d’Eric GAUTIER. Les étudiants sont nombreux. Eric GAUTIER était là cette année invité par le festival, pour représenter Les Herbes Folles d’Alain RESNAIS (panorama européen) et Hotel Woodstosck de Ang LEE (en projection spéciale). La rencontre avec les étudiants autour de ces deux films est très enrichissante. Au cours de la petite heure et demie attribuée, à l’image de sa recherche concernant l’utilisation de la couleur dans les Herbes Folles, Eric GAUTIER racontera sa collaboration avec ces deux importants réalisateurs au travers de leurs univers et de leurs méthodes de travail. Au fil des questions, il en viendra entre autre à parler de son travail sur d’autres films tels que Into the Wild, Carnet de Voyage ou encore POLA X, mais aussi à parler de sa manière d’aborder le cadre avec ce besoin et cette nécessité de pouvoir toujours être libre afin de ne faire qu’un avec les comédiens.
C’est durant cette rencontre que je remarque que quelques étudiants parlent français. Un brin de cosette plus tard, je m’aperçois que beaucoup d’entre eux, voir la totalité s’avéreront être belges. Petite déception patriotique ! Mais alors où sont les Français ?…
Ils ne seront qu’une poignée cette année, surnommée “French Delegation” par nos amis Anglo-Saxons. Parmi les membres de l’AFC, hormis Eric GAUTIER déjà cité, étaient présents Eric GUICHARD, Jean-Noël FERRAGUT, Richard ANDRY (IMAGO) et Bruno DELBONNEL. Bruno DELBONNEL qui cette année était membre du jury pour la compétition polonaise. Du côté de chez Panavision, avaient répondu présent Christian JULIEN, Fred LOMBARDO, Patrick LEPLAT et Alain COIFFIER. Et nous croiserons aussi les chemins de Natasza CHROSCICKI, et de Marc GALERNE et Julien BERNARD de K5600.
Quelques jours plus tard, je retrouverai avec surprise et fierté une ancienne élève de Louis Lumières, Souki BELGHITI, que j’avais rencontrée, il y a 2, 3 ans, durant des essais caméra chez BOGARD. Je ne pense pas que ce serait faire une généralité de dire que le Festival est malheureusement assez méconnu en France (dans notre milieu). Pour ma part, et c’est en toute honnêteté que je l’écris: il y a encore un an de cela, je n’en connaissais que le nom. Houououuuuu!!
Chronique de Souki Belghiti, Camerimage 2009 – Lettre n°194 de l’AFC :
http://www.afcinema.com/Plus-Camerimage-des-mots-sur-les.html
Pour clôturer ce Lundi, nous irons voir A Single Man, long-métrage de Tom FORD, éclairé par un jeune Chef Opérateur espagnol de 28 ans Eduard GRAU (à retenir!!). Autant dire que nous finissons la journée en beauté. Les réactions sont quasi unanimes. Le film est un uppercut. L’histoire est touchante, Colin Firth et Julianne Moore sont superbes, et la plastique du film, que vous aimiez ou non, est quasi irréprochable. Par chance, nous croisons Eduard GRAU peu de temps après la projection. Nous profitons de l’instant pour lui adresser nos félicitations quant à son travail et lui posons quelques questions afin d’en apprendre un peu plus sur le film. Quelle opportunité de pouvoir échanger avec les directeurs de la photographie dans ces conditions !!
Mardi 1 Décembre. À Lodz, les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas. Ce jour-là nous assisterons dans les OPUS FILMS Studios de Lodz au workshop de Dante SPINOTI ASC intitulé “CAMERA & LIGHTING” et à la Master Class de Vilmos ZSIGMOND ASC.
Au matin, c’est sans surprise que nous découvrons le workshop de Dante SPINOTI noir de monde. S’il faut résumer Dante SPINOTI en quelques films, je ne citerai que Le dernier des Mohicans, Heat, Revelations, et Public Ennemies de Micheal MANN et L.A. Confidential de Curtis HANSON. Plutôt que dans un des studios, le workshop se déroule dans la cafétéria aménagée en plateau de tournage. À différents endroits, plusieurs écrans plats retransmettent le retour vidéo de la caméra, en l’occurrence une Genesis, et des hauts parleurs diffusent les commentaires du directeur de la photographie. Nous aurons du mal à nous faire une place. Alors que l’intitulé est “CAMERA & LIGHTING”, nous découvrons petit à petit que nous assistons plus à un tournage de court-métrage improvisé qu’à une leçon de mise en image, et d’éclairage. L’ensemble du workshop est par conséquent décevant.
Il n’en sera rien de La Master Class de Vilmos ZSIGMOND orchestré pour l’occasion par Benjamin BERGERY. Résumons là aussi Vilmos ZSIGMOND en quelques films : John McCabe de Robert ALTMAN, Delivrance de John BOORMAN, Rencontre du Troisième type de Steven SPIELBERG, et Voyage au bout de l’enfer, et La porte du Paradis de Micheal CIMINO. Nous voilà à présent dans un studio aménagé en salle de conférence. Là aussi, la salle est pleine. C’est sur les films les plus marquants d’une filmographie de taille, et ce dans l’ordre chronologique que B.B. et V.Z. choisissent d’intervenir. À chaque film, un extrait est projeté, et il s’ensuit des anecdotes de tournage et des explications sur les choix de prises de vue et techniques de laboratoire employées : flashage, sans blanchiment, etc. Cette master Class s’avère être une véritable leçon de cinéma. À l’époque où l’étalonnage numérique n’existait pas encore, la filmographie de V. ZSIGMOND démontre à chaque film qu’il était possible de faire tout autant; que l’équation optique+pellicule+développement permettait à elle seule d’obtenir des résultats extrêmement variés et puissants.
Plus tard et pour finir cette journée, nous assistons à la projection de An Education réalisé par Lone SCHERFIG et éclairé par John DE BORMAN BSC. Là aussi, nous gardons un très bon souvenir de ce film. Pour l’anecdote, c’est John DE BORMAN qui nous invita en personne à voir le film. Nous l’avions rencontré par hasard la veille alors que nous discutions avec HUGH WHITTAKER responsable commerciale de Panavision UK. Le contact fut d’autant plus facile puisque John de BORMAN parle parfaitement français. Comme nous, il venait de voir A Single Man, et c’est avec enthousiasme qu’il partagea ses impressions. Il qualifia notamment le travail d’Eduard GRAU d’admirable. Il se trouve que les histoires de A Single Man et de An Education se déroulent toutes les deux au tout début des années 60. Selon J. DE BORMAN, c’était là une très bonne occasion de voir la diversité artistique de deux chefs opérateurs sur la manière de retranscrire une même période. En l’occurrence, il nous précisa qu’il choisit de tourner avec des Cookes S2 pour leur rendu très doux.
Les jours suivants, Mercredi 2 et Jeudi 3 Décembre, seront tout aussi riches en évènements et rencontres.
A retenir, l’impressionnant et titanesque comparatif de la BSC qui s’est attelée à comparer 18 caméras, films et HD. La projection est des plus intéressantes mais aussi très controversée. Sans parler des images issues du S16 à la granulation douteuse et excessive qui force le scepticisme, beaucoup d’interrogations ont découlé de cette projection. La question majeure qui s’est posée est la suivante : La pellicule (35 ou S16, Kodak ou Fuji) est-elle arbitrairement comparable au cinéma digital (Genesis, F35, VIPER, D21…), et inversement, si l’on prend comme seule référence pour chaque support une charte de gris et une Macbeth ?…
Le comparatif n’en reste pas moins unique en son genre. Caméra par caméra, puis sous forme de “split screen”, les différents supports sont comparés dans toutes les conditions possibles : intérieur et extérieur jour, intérieur et extérieur nuit, gros plan sur une comédienne… À voir absolument !!!!!
BSC : http://www.bscine.com/
C’est aussi à Lodz, le dernier jour de notre voyage, que je rencontrerai pour la première fois M. Jean Pierre BEAUVIALA venu le temps d’une journée express pour présenter sa Penelope à l’occasion d’une présentation Kodak sur le 2PERF. Pour lui aussi, c’était une première à Camerimage, et il aura fallu seulement de quelques heures pour qu’il soit happé par la magie de ce festival. Tout comme Antoine STRUYF l’année passée, et moi-même cette année, il est bien décidé à revenir l’an prochain à “Woodj”.
Et vous ?
Autre lien : AFC, Compte rendu sur le pouce, Camerimage 2009
http://www.afcinema.com/Compte-rendu-sur-le-pouce-de-Plus.html