Pour la plupart d’entre nous, notre métier est une passion. Mais parfois, cette passion devient une excuse de la part des productions pour nous faire accepter des conditions de travail en dessous de la normale. Pour l’amour de l’art… Le but de cet article n’est pas de débattre sur le fait qu’il faille accepter ou non cela. Par contre, connaître un peu ses droits permet de mieux orienter ses choix, et aussi de négocier ses salaires en connaissance de cause. Alors voici quelques bases à connaître et quelques pistes pour trouver des infos.
En France, tout emploi est soumis au code du travail. Ce code répertorie des conditions de travail minimum, en terme de salaire (le fameux smic !), de durée de travail, de type de contrat etc. Donc de base, on ne peut pas travailler à un salaire inférieur au smic, on ne peut pas travailler 24h d’affilée, et sans contrat de travail, la jurisprudence fait que l’on sera considéré comme employé en CDI en cas de litige !
Ensuite, dans chaque secteur, les règles sont redéfinies et précisées dans les conventions collectives. Dans nos secteurs, nous sommes susceptibles de dépendre de plusieurs conventions collectives : principalement celle de la production cinématographique et celle de la production audiovisuelle, mais il en existe aussi pour l’animation, la télédiffusion, la prestation technique. Leur application dépend principalement du code APE de l’entreprise qui nous embauche. Ce code, délivré par l’INSEE, précise l’activité principale (par exemple : 59.11A production de films et de programmes pour la télévision ; 59.11B production de films institutionnels et publicitaires ; 59.11C production de films pour le cinéma).
On retrouve généralement ce code sur les contrats de travail, fiche de paie et AEM.
Dans la production audiovisuelle, il y a une convention collective dite « étendue », c’est-à-dire que ses règles sont obligatoires pour toute production ayant le code APE correspondant (59.11A ou 59.11B), en général toute production faisant un téléfilm, une série télé ou un documentaire – même si elle ne dépend pas d’un syndicat ayant signé la convention. Dans ces cas là, plus question d’entendre parler de « moins 10 ou moins 20 % », et d’ « heures sup pas payées ». Même si certaines productions pratiquent toujours quelques contournements de ces règles (surtout concernant des heures non rémunérées, comme les heures de prépa, ou un forfait d’heures supplémentaires), la tendance est plutôt à un respect des règles. Car si les salariés se décident à aller au prud’hommes pour des heures non rémunérées ou des salaires inférieurs à la convention, ils gagneront obligatoirement !
Vous trouverez les salaires minimums et le texte de la convention collective (quelques paragraphes importants, surtout dans le titre VI sur la durée du travail) sur la page d’accueil du site de l’USPA (syndicat des producteurs de l’audiovisuel) – www.uspa.fr.
Pour les assistant opérateur par exemple, vous trouverez deux niveaux de salaires différents, si l’intitulé de poste est complété du « spécialisé » ou non. Ce « spécialisé » ne correspond pas à un niveau de compétence plus grand du technicien, mais dépend du budget du programme produit : il permet de donner des salaires plus bas pour des programmes à petit budget. Globalement, tous les téléfilms unitaires et séries de 52mn rentrent dans la case « spécialisé », mais c’est à vérifier au cas par cas.
Du côté de la production cinématographique, la convention collective est en cours de négociations (depuis plusieurs années déjà !). Historiquement, il existait une convention collective – c’est elle qui sert de base actuellement quand on négocie des salaires, et qu’on parle des -10 % (voir moins !!!), mais cette convention n’était obligatoire que pour les productions qui avaient signé l’accord. Quand à savoir quelle production avait signé cet accord… La nouvelle convention aurait pour but d’être « étendue », et comporterait un volet spécial pour les films ayant des problèmes de budget, permettant ainsi à certains « films fragiles » de continuer à se faire, mais pas dans n’importe quelles conditions… A suivre donc.
Le rôle des associations professionnelles et des syndicats dans tout ça ?
Une association professionnelle regroupe les techniciens d’une même profession (comme les assistants opérateurs à l’AOA), et son but est en général de partager des connaissances, et de promouvoir ou développer certains aspects spécifiques de la profession.
Un syndicat regroupe tous les salariés des différents métiers d’un même secteur, et a pour but de défendre les intérêts de tous les salariés de ce secteur. Il y a principalement 2 syndicats dans notre secteur d’activité : le SNTPCT (Syndicat National des Techniciens et Travailleurs de la Production Cinématographique et de la Télévision) (www.sntcpt.fr) et le SNTR-CGT (Syndicat National des Techniciens et Réalisateurs affilié à la CGT) (www.sntr-cgt.org). Ces deux syndicats sont reconnus pour être représentatifs, et à ce titre, participent à toutes les négociations sociales concernant nos secteurs : négociations de conventions collectives (c’est le cas actuellement pour le cinéma), négociations de revalorisation annuelle de salaires minimum, mais aussi négociations concernant les assurances maladies, chômage, les commissions d’agrément au CNC, les commissions d’études de dossier à l’Afdas etc. Seuls les syndicats peuvent prétendre à participer à ces négociations. Les associations professionnelles telle que l’AOA peuvent éventuellement être consultées par les syndicats pour donner leur avis mais en aucun cas négocier directement et signer des accords.
Les syndicats sont aussi là pour défendre les salariés en cas de conflit avec un employeur. Même si vous n’êtes pas syndiqués, vous pouvez faire appel à eux dans un premier temps pour vous renseigner sur vos droits, et si besoin pour vous faire aider dans vos démarches en cas de conflit. Avant de vous lancer dans un procès aux prud’hommes, un petit rappel à l’ordre d’un syndicat suffit parfois à débloquer certaines situations…
Comme pour les associations professionnelles, les syndicats ne fonctionnent que grâce à leurs adhérents, en terme d’argent et surtout de temps consacré à s’occuper des différentes taches.
De la même façons que l’AOA ne pourrait éditer lA fOcAle sans le travail d’une partie d’entre nous, (et après, chacun y passe plus ou moins de temps en fonction de ses possibilités et de ses envies !), ce sont les adhérents des syndicats, donc des techniciens comme vous et moi qui vont assister aux réunions de négociations, aux commissions etc. Et les décisions importantes, comme la signature d’une convention collective ne se prennent qu’après un vote de l’ensemble des syndiqués.
Voilà donc de quoi comprendre un peu mieux les règles qui entourent nos métiers. Après, en fonction de ses choix et de ses opinions, à chacun de décider de s’engager, ou non, auprès d’une association pour promouvoir son métier, ou d’un syndicat pour défendre ses droits sociaux… ou même des deux !