Ce fut un grand plongeon, une immersion dans les caméras dites « grands capteurs » en ce samedi 1er décembre 2018.
Nous avons envoyé naviguer dans les couloirs de TSF trois cadreurs mobiles de l’AFCS avec les Red monstro 8K, Arri LF et Sony Venice. Les assistants de l’AOA étaient là pour assurer la mise au point, ou du moins, pour comprendre comment pouvoir, à l’avenir, éventuellement, assurer la mise au point, et la mise au point sur quoi d’abord ?
En guise de petit bain, nous avons commencé par une projection de « Perspectives, le moyen format pour le cinéma », film déjà présenté au Micro Salon 2018 et réalisé par TSF.
Une vidéo comparative très intéressante confrontant Mini, Venice,Red Monstro et Alexa 65.Pour un aperçu plus en profondeur, nous avons réclamé une deuxième projection pour tenter de mieux appréhender le travail effectué sur la notion d’espace avec les différentes caméras. (pas tout à fait le même mélange que pour nous; par ordre de taille de capteur : Mini, Venice, Red Monstro, Alexa 65).
Il y avait beaucoup à commenter (bonne tenue de la Mini, traitement étrange de la Venice, le rendu des focales surtout !), et pour ceux qui avaient déjà pratiqué (peu nombreux), pas mal à dire sur le « grand capteur » et les difficultés au point dès lors que l’ouverture est très grande.
Un retour d’expérience nous fait part d’un ressenti sur le choix de la focale. Naturellement, on a envie de se rapprocher du fortement du sujet et donc de travailler en minium de point.
Pour le grand bain, ce fut la mise en situation professionnelle. Et les questions qui vont avec. Nous avons donc embrayé avec trois ateliers autour des trois caméras.
Aurélien Taquet nous a rappelé les données techniques de ces 3 caméras, toutes sorties en 2018, notamment les tailles de capteurs :
- Alexa LF – Résolution 4,5 K – Ratio 1,43 – Taille du capteur 36,70mm x 25,54mm
- Red Monstro – Résolution 8K – Ratio 1,89 – Taille du capteur 40,96mm x 21,6mm
- Sony Venice – Résolution 6K – Ratio 1,5 – Taille du capteur 36,2mm x 24,1mm
Les optiques testées ont été utilisées à un diaph allant de leur pleine ouverture à f4, pour voir si cela jouait significativement sur la difficulté à faire la mise au point.
Nous avions :
- sur la Arri LF, les optiques ARRI Signature Prime T1.8
- Sur la RED Monstro, les optiques Cooke S7 T2
- Sur la SONY Venice, les optiques Leica Thalia T2.9
Rappel sur le CROP FACTOR
La formule est la suivante :
Crop Factor = Largeur Grand Capteur / Largeur Petit Capteur
Dans ce tableau, le Crop Factor est calculé par rapport au « petit capteur » de l’ALEXA MINI soit :
- en Open Gate – 28,25mm
- en 3,2K – 26,4mm
- en 2,8K – 23,76mm
La focale équivalente (calculée pour retrouver le même angle de vue horizontal que sur la MINI) est donc égale à la focale utilisée sur le petit capteur x le Crop Factor.
Ex : Un 25mm sur une MINI (en Open Gate) serait « équivalent » en termes d’angle de vue horizontal à un 32mm sur une LF.
Pour chaque caméra, il y avait un cadreur et 5 assistants caméras qui s’essayaient, à tour de rôle, à la mise au point du plan orchestré par le cadreur : un suivi de personnes dans les couloirs, à l’épaule, au Ronin 2 ou au steadicam, du plan large au plan rapproché.
Pour les choix des focales, nous avons travaillé avec un 25 mm pour les plans en pied et un 50 mm pour les plans taille à gros plan. Rapidement, nous avons vu que nous travaillions en limite de point pour les gros plans. Autrement dit, pour un plan au 50 mm qui va de pied à gros plan, on tourne la bague beaucoup, beaucoup et même à 4 de diaph, l’arrivée reste incertaine… on veut l’œil gauche ou l’œil droit ?
Toutes ces caméras étaient équipées d’aide à la mise au point : Cinetape, CineRT et Light Ranger 2. Les assistants, 5 maximum donc par atelier afin de bien pouvoir tester leurs compétences, une commande de point à la main et un petit écran sous les yeux se sont regroupés autour des configurations suivantes :
- À l’épaule : Alexa LF+ Signature Prime + Cinetape + CVolution + TVlogic 5,6 pouces
- Au Ronin 2 : Monstro + Thalia + CineRT + WCU4 + TVlogic 5,6 pouces
- Au Steadicam : Venice + Cooke S7 + Light Ranger 2 + Preston FIZ3 + TVlogic 7 pouces
Mes premières remarques en tant qu’assistante-opv-focus-puller, après avoir laissé partir loin de moi le cadreur qui suivait un collègue, furent :
- « Rhaa mais je ne comprends pas, il est où là ? C’est flou je comprends pas pourquoi ! »
Après un coup d’œil furtif vers l’ensemble « cadreur + personne suivie », il s’avère qu’il est 4 fois plus proche qu’imaginé au vu de l’image.
Bon … ben va falloir revoir sa façon de travailler à la taille de champ (comprendre le plan est raté). - « Haaa, là c’est pas mal, je sens que je tiens un truc » en regardant mon TV logic 5,6 pouces, j’avais chopé la netteté à l’œil et je la maintenais ! De retour devant les écrans 25 pouces où la collègue assurait le diaph et devant sa mine déconfite, j’ai compris que le plan n’était toujours pas dans la boite. Effectivement, le « petit » écran me montrait net ce qui était … flou, une fois vu sur un « grand » écran (bon le plan est raté).
- « Bon bon bon, il va falloir se mettre à de nouveaux outils, là j’ai pas trop le choix à moins de me balader avec un 25 pouces autour du cou ».
Les outils d’aide à la mise au point présentés étaient le Cinetape (déjà pas mal utilisé), le Cine RT (nouveau système canadien, fonctionne en ultrason), avec ses « bugs » à placer dans la poche du comédien, et le Light Ranger 2 (fonctionne en infrarouge), qui offre différents modes d’aide à la mise au point avec la commande Preston FIZ. Ces outils sont de précieuses aides qui nécessitent, nous nous en sommes rendu compte, de la pratique, car ils envoient des informations que nous devons classer et trier et surtout croire !
La grande leçon de cette immersion, c’est que les images produites nous donnent un rendu de l’espace tellement plus large que nous ne parvenons plus à « lire » la distance du comédien sur l’écran. Il va falloir s’habituer rapidement à ce changement, car avec ces « grands capteurs » une erreur de mise au point se voit très nettement…
Après une pause déjeuner, nous avons repris nos ateliers, sans doute plus sereinement que durant la première partie de journée. Nous avons pu y échanger nos impressions, mesurer le chemin qu’il nous reste à faire pour être bons avec ces caméras-là (du temps, des essais, du choix de matériel ad hoc…). Concernant les tests d’optiques à venir, TSF s’étant équipé d’une nouvelle lanterne adaptée aux grands capteurs, nous avons pu évaluer comment l’on pouvait juger des distorsions et de la couverture des optiques (cf. photo ci-dessous).
En faisant et en relisant nos images sur les écrans 25 pouces, nous avons noté trois grands changements que ces grands capteurs amènent sur le plateau :
- L’appréhension de l’espace pour le cadreur, le comédien et le réalisateur : Où poser la caméra et avec quelle focale ? Dans l’idée, pour une valeur égale, la caméra « grand capteur » est beaucoup plus proche physiquement de son sujet. On est donc amené à tourner en minium de point beaucoup plus instinctivement. Et là où on choisirait un 50mm, on est tenté de choisir un 75mm.
- Les choix de mise en scène mis en exergue par les choix de mise au point : pour chaque plan, il faut décider de qui sera net (et de qui ne le sera pas). Le peu de profondeur (même à 2.8 de diaph) implique encore plus de faire des choix de mise en scène systématiques.
- on fabrique des plans larges avec beaucoup moins de profondeur qu’en super 35 et ça c’est très intéressant.
- En conclusion, choisir de tourner en Grand capteur implique une étroite relation entre Image et Mise en scène.
Ce fut un atelier formidable, rendu possible par l’aide de tous !
L’AOA remercie tout particulièrement :
- Les membres qui ont mis en place cet atelier la veille : Myriam Robin, Paul Cognet, Clotilde Mignon, Agnès Letessier, Amandine Hanse-Balssa.
- Les cadreurs de l’AFCS : Antoine Struyf, Loïc Savouré, Matthieu Lornat.
- Arthur Chassaing pour le CineRT
- Olivier Garcia pour le Light Ranger 2
- Adrien Gontier et Christophe Boula pour le 18mm Cooke S7
- Steadi’boz pour le Steadicam et le Ronin
Un grand merci à Frédéric Valay pour l’accueil et une OlaAOA à Aurélien Taquet pour ses conseils techniques et son organisation ainsi qu’à toute l’équipe de TSF !
Merci également à Cédric Le Donche, Mathilde Cathelin et Cendrine Dedise pour leur organisation.
Enfin merci à Antoine Valay, Florent Goursat et Maud Ollieric pour le Making off