Hedge for Mac est un logiciel de copie et de vérification de fichiers développé par The Sync Factory, une société néerlandaise. Le logiciel est développé spécifiquement pour la gestion de médias et combine simplicité et efficacité : l’interface, sobre et pourvue d’un nombre réduit de fonctionnalités, repose sur un moteur de copie beaucoup plus rapide que les alternatives qu’on utilise fréquemment en plateau.
L’association de ces deux caractéristiques, très grande rapidité et sobriété des fonctionnalités, en font un outil précieux pour gagner du temps en déchargement de rushes, mais limité dans la gestion des médias et des métadonnées associées, ce qui nécessite de lui associer un logiciel complémentaire pour générer des rapports, éditer des vignettes ou faire un contrôle qualité sur les médias.
EN BREF : ATOUTS ET LIMITES DE HEDGE FOR MAC
J’utilise Hedge depuis un peu plus de six mois et ai eu l’occasion de l’éprouver sur un long-métrage ainsi que plusieurs publicités et court-métrages. Avant de détailler ses spécificités et les performances que j’ai obtenues lors de mes comparatifs de copie et vérification, voici un résumé à grands traits des atouts et lacunes de Hedge for Mac :
Atouts et points forts
- copie et vérification de l’intégrité des rushes
- simple et léger
- jusqu’à deux fois plus rapide que Silverstack
- les gains sont variables selon les configurations, cf. détails techniques et comparatifs plus loin dans le dossier
- ce n’est valable que dans la version payante du logiciel, la version gratuite ne faisant pas bénéficier de la technologie FastLane
- relativement peu cher
- compter 100€ environ pour une licence sans date d’expiration
- et 25€ pour un mois (les prix en dollars sont ici)
- peut être relié à un smartphone pour notifier de l’état des transferts (sous réserve de disposer d’une connexion Internet sur l’ordinateur de déchargement et sur le smartphone)
Limites et inconvénients
- aucune gestion de rapports à part les « Transfer Logs » qui attestent de l’intégrité des médias (un reporting sommaire est en développement, mais rien d’aussi exhaustif que Silverstack n’est prévu)
- une interface parfois trop simple, notamment :
- peu d’automatisation des arborescences
- une file d’attente trop simpliste et potentiellement confuse
- aucune gestion intelligente des médias : pas de reconnaissance des codecs ou des métadonnées, pas de relecture…
Chacun se fera donc son idée de l’usage optimal d’un tel logiciel. Pour ma part, j’en vois un intérêt dans trois configurations :
- utilisé seul par un second assistant qui gère la face et le data management de médias lourds (du raw en fiction notamment), qui a besoin d’une configuration rapide et sécurisée pour décharger ;
- dans un workflow plus complexe, Hedge peut être couplé à un logiciel de reporting et/ou de transcodage, pour bénéficier de la rapidité des transferts et pallier les manques de fonctionnalités avancées ;
- en court-métrage, on peut bénéficier de toute la rapidité et de la fiabilité de ce logiciel pour un prix très bas (location de licence à 25€ environ pour 1 mois).
INTERFACE ET PRISE EN MAIN
L’interface de Hedge est simple à prendre en main. Une fenêtre principale permet de consulter tous les volumes accessibles (au centre), les sources définies par l’utilisateur (à gauche) et les destinations définies par l’utilisateur (à droite).
Chaque volume peut être défini comme source ou destination par un simple glisser-déposer. Pour définir un dossier particulier dans un volume, un clic-droit sur le volume permet d’accéder à une série d’options.
Une fois qu’au moins une source et une destination sont définies, le bouton « Transférer » devient actif et déclenche le déchargement des données.
Dès qu’un premier transfert est en cours, on peut accéder à une fenêtre listant l’ensemble des transferts en cours, achevés ou échoués.
Une gestion un peu trop simple de la file d’attente
La gestion de la file d’attente, très simplifiée, peut être déroutante et est assez peu documentée.
On peut ajouter des sources en file d’attente pendant l’exécution d’un ou plusieurs transferts, mais sans pouvoir modifier les destinations.
Plus problématique : tant qu’une source est en cours de transfert, aucune destination ne peut être retirée. De la même façon, tout ajout de destination à la fenêtre principale pendant que des transferts sont en cours ajoute la destination à ces transferts.
En clair, tant que tous les magasins doivent être déchargés dans les mêmes dossiers des mêmes volumes, on peut les ajouter au fur et à mesure sans aucun souci (cas typique d’un déchargement sur une tour et un disque navette, dans un dossier « JXXX » à chaque fois). Dès qu’on souhaite varier ces paramètres, il faut attendre la fin de tous les transferts afin de ne pas risquer de déclencher des transferts non souhaités.
Nommage de la source
Par défaut, Hedge ajoute un incrément au nom du média déchargé. Au premier déchargement, A001_XOAC deviendra par défaut A001_XOAC_01. Ceci est pratique lorsqu’on décharge des magasins non numérotés (par exemple, les magasins de la Sony FS7 et ses Untitled…). Dans la majorité des cas qui nous intéressent, en revanche, il est plus pertinent d’aller modifier ce paramètre avant tout transfert, et d’en supprimer la variable ${INC} (ainsi que l’underscore qui la précède).
Transfer Logs
Les logs de transfert sont copiés dans un dossier « Transfer Logs » dans chaque répertoire de destination. Ces fichiers texte récapitulent source, destination, date et durée de transfert, et listent pour chaque fichier transféré le hash (empreinte de vérification d’intégrité) de source et de destination.
Un fichier mhl (Media Hash List), inclus dans le dossier copié, permet de garder une trace supplémentaire de l’intégrité des fichiers, et d’en re-vérifier l’intégrité ultérieurement.
Automatisation et scripts
Dans les préférences, un onglet « Scripts » permet de déclencher des Apple Scripts lorsque des éléments basiques interviennent (détection d’un nouveau disque, fin de transfert, etc.). Cette fonctionnalité ouvre de très puissantes possibilités : déclenchement de transcodages suite aux transferts, génération d’alertes, envoi de mail…
L’écriture de scripts AppleScript nécessite cependant de solides connaissances informatiques, et un script mal conçu peut endommager des fichiers sur les sources comme les destinations. L’usage de cette fonctionnalité semble donc peu probable dans la plupart de nos usages, mais pourrait intéresser certains DIT et data managers.
PERFORMANCES DE COPIE & DE VÉRIFICATION
Remarques préalables :
- ces comparatifs et les détails techniques associés sont concentrés exclusivement sur la vitesse des opérations de copie et de vérification de l’intégrité des données. C’est objectivement l’atout essentiel de Hedge et c’est pourquoi ces performances sont si détaillées par la suite. Il ne s’agit pas de négliger les avantages d’autres logiciels ni de chercher à privilégier à tout prix cette solution, mais simplement de donner un fondement technique et concret sur l’atout majeur de Hedge afin de faciliter le choix d’un outil par rapport à un autre.
- on rentre ici parfois dans des détails technico-informatiques destinés aux lecteurs les plus enthousiastes 🙂
J’ai souhaité éprouver les performances de Hedge dans les conditions de travail auxquelles je suis confronté le plus souvent en tant que second assistant caméra en fiction : je n’ai donc pas pensé comme data manager dédié à la tâche, ou comme DIT, mais comme second s’occupant à la fois de la face et du déchargement des rushes.
De plus, il m’a fallu d’une part limiter les paramètres de test, et d’autre part choisir un étalon auquel comparer mes résultats. J’ai donc testé exclusivement la version payante de Hedge, qui donne accès à leur technologie FastLane : c’est le cœur de leur produit, qui permet d’accélérer sensiblement la vitesse des transferts et vérifications. Sans FastLane, Hedge perd son intérêt majeur.
J’ai comparé mes résultats à Silverstack 5 dans une seule configuration, car c’était jusqu’à présent la solution que j’utilisais systématiquement pour le déchargement des rushes.
Paramétrage de Silverstack et Hedge
J’ai utilisé Silverstack dans une configuration par défaut :
- Number of parallel tasks: 1 (Optimized, Recommended)
- Number of parallel jobs: 1
- Checksum method: XXHash (Fast)
Concernant le choix de l’algorithme de contrôle, je vous renvoie à l’article de la base de connaissances de Silverstack : ‘Offloads and backups: checksum verification methods‘. En deux mots, le XXHash est conçu exclusivement pour de la vérification d’intégrité, alors que md5 et sha1 sont prévus pour des usages plus lourds de cryptographie. De ce fait, md5 et sha1 ne dépassent pas des débits de traitement de 300 Mo/s, alors que XXHash est limité uniquement (en théorie) par la RAM de l’ordinateur (débits maximaux atteints actuellement : 3500 Mo/s environ).
Hedge n’offre aucun paramétrage affectant les performances de copie et de vérification, il faut simplement s’assurer que la licence Premium, qui débloque FastLane, est bien activée pour bénéficier des performances maximales du logiciel.
Hedge utilise systématiquement l’algorithme XXHash afin de vérifier l’intégrité des fichiers copiés. Petite précision au passage pour les plus techniciens d’entre nous, XXhash est un algorithme sous licence libre, ils ne présente donc pas de variation ou de spécificité majeure d’un logiciel à l’autre. Son fonctionnement est transparent et sa fiabilité (comme celle de md5 ou sha1) a été éprouvée par plusieurs entités indépendantes.
Deux comparatifs en situation de tournage
J’ai comparé Hedge à Silverstack dans deux situations de tournage différentes :
- sur un long-métrage tourné en Sony F55 RAW 4K, sur lequel j’étais second et me chargeais du déchargement de la caméra (tournage à une caméra) ;
- sur une publicité tournée en RED Epic Dragon 5K FF RC 8:1, sur lequel j’étais data manager (tournage à une caméra).
Le détail des configurations de ces deux tournages est précisé dans le tableau ci-dessous :
SONY F55 | RED EPIC DRAGON | ||
SOURCE | Média & codec | Sony F55 RAW 4K | RED R3D 5K FF RC 8:1 |
Lecteur | USB3 | USB3 | |
Débit observé en lecture/écriture | non mesurable | 220 Mo/s | |
DEST. #1 | Média | Tour ARECA RAID5 6 baies 30To | Disque LaCie d2 3To with Thunderbolt 2 |
Connectique | Thunderbolt | Thunderbolt | |
Débit observé en lecture/écriture | 1000 Mo/s | 180 Mo/s | |
DEST. #2 | Média | Disque G-Technologies G-Drive Pro 2To | Disque LaCie d2 3To with Thunderbolt 2 |
Connectique | Thunderbolt | Thunderbolt | |
Débit observé en lecture/écriture | 380 Mo/s | 180 Mo/s | |
DURÉE DOUBLE COPIE + VÉRIF |
Échantillon | 500 Go (~ 1h à 24fps) | 100 Go (~ 25′ à 25fps) |
Durée Silverstack | 60 min | 19 min | |
Durée Hedge | 40 min (-30%) | 10 min (-45%) |
Tendances générales
Les gains de performance sont non négligeables et semblent indépendants de la saturation théorique des débits d’écriture des disques (puisque dans le scénario en RED, le lecteur a un débit de lecture supérieur au débit d’écriture des deux disques destination).
Les gains semblent particulièrement significatifs sur des configurations à faible débit d’écriture, lorsque les disques sont les facteurs limitants. Ceci dit, la différence peut aussi s’expliquer par la différence de codec : les fichiers R3D de RED sont moins fragmentés que les fichiers RAW Sony, et Hedge semble accroître son avantage sur un nombre réduit de fichiers lourds plutôt qu’un grand nombre de fichiers plus légers.
Ces deux comparatifs sont loin d’épuiser les scénarios possibles. Il paraît donc très pertinent de poursuivre les comparatifs, lorsque c’est possible, pendant les temps de préparation et d’essais. Ceci permettra de mieux qualifier les performances de Hedge, et donc de faire des choix plus éclairés lors des préparations de workflow.
Spécificités techniques du fonctionnement de Hedge
Pour entrer quelque peu dans les explications techniques de ces performances : les développeurs d’Hedge expliquent de tels écarts de performance principalement par leur technologie FastLane. Elle repose sur un moteur de copie développé spécifiquement pour Hedge (on parle de moteur « bas niveau »), ce qui a permis de l’optimiser pour la gestion de fichiers volumineux et pour la copie parallèle sur plusieurs destinations. Cela rend également possible d’effectuer copies et vérifications d’intégrité en parallèle.
À l’inverse, la plupart des alternatives à Hedge semblent utiliser les moteurs de copie dits « haut niveau », qui sont natifs aux systèmes d’exploitation sur lesquels ils sont installés. Ces moteurs sont plus simples à exploiter par une application, mais sont généralement moins personnalisables.
Pour simplifier, on pourrait dire qu’au lieu d’utiliser des « copier-coller » parallèles suivis de vérification, Hedge a créé ses propres fonctions de « copier-coller-vérifier ».
UN OUTIL PERFORMANT POUR UNE GESTION SIMPLE DE GROS DÉBITS ET DE GROS VOLUMES
Hedge for Mac nous permet donc de disposer d’un outil de plus lors de la définition des workflows de gestion de données. Il met l’accent sur les performances de copie et de vérification, au détriment parfois de l’interface, dont la simplicité peut gêner ceux qui mettent en place un workflow avancé et complexe (multiplication des disques de destination, gestion de transcodes, navettes multiples…).